S'élever (la collection joaillerie de Charlotte Chesnais)

Il y a des marques qui provoquent en moi des réactions de consommatrice, d’autres des réactions d’esthète. Charlotte Chesnais fait partie de la deuxième catégorie. (même si depuis huit ans j’ai le plaisir de porter ses boucles d’oreilles)

Je regarde ses créations comme je regarde de l’art et en cela elle rend obsolète toutes les discussions entre l’Art - le vrai, le noble et le grand qu’on trouve dans les musées et galeries - et les arts appliqués. Charlotte Chesnais a inventé des formes avec la contrainte de les faire porter et ce, dans un secteur où tout semble avoir déjà été inventé. L’exploit me parait encore plus grand qu’une œuvre d’art qui n’a qu’à reposer sur son socle sous un éclairage flatteur et dramatique.

Barbara Hepworth, 1956

Louise Bourgeois, 2003

Ses créations s’inscrivent dans l’histoire de l’art, elles poursuivent la recherche d’abstraction et de mouvement initiée par Barbara Hepworth. Certaines pourraient s’être détachées de la sculpture le couple de Louise Bourgeois ou en représenter la synthèse minimale parfaite.

Elles sont organiques comme les sculptures de Jean Arp (1953), aériennes comme l’Oiseau de Brancusi (1923).

De tout cela on pourrait en conclure que ce sont des bijoux conceptuels, ces bijoux qui flattent l’égo du créateur au détriment du confort de celles qui les portent. L’écueil est largement évité. Les bijoux Charlotte Chesnais sont une expérience transformatrice. Ils transforment la perception de nos corps, ils donnent à ressentir nos poignets, mains, doigts, cou, oreilles différemment. Ils fabriquent une nouvelle géométrie du corps.

Saviez-vous que vous pouvez avoir un lien de vermeille qui fait le tour de votre poignet et traverse votre paume sans que cela ne gêne en rien vos mouvements ? Saviez-vous qu’une ondulation en argent pouvait épouser le contour intérieur de votre oreille sans aucun fermoir pour tenir.

Ce sont des bijoux intelligents, ils ont tout compris du corps et de nos envies de légèreté sans compromis sur le style. C’est un langage qui est à la fois intime et spectaculaire. Il raconte le vivant, la nécessité des liens entre notre monde intérieur et l’extérieur, avec les autres. Il dit l’harmonie et l’exigence, la simplicité et la sophistication, l’intuition et le travail.

Pour les dix ans de la marque, Charlotte Chesnais lance une collection de joaillerie que j’ai eu la joie de découvrir dans son showroom, un écrin vert dans le 6eme arrondissement. Continuer à s’élever pour semer les copieurs – nombreux- l’envie a du sens, même dans un contexte où le prix de l’or n’a jamais été aussi haut.

Quand on voit la Round Trip, la bague signature de Charlotte Chesnais, être pavée de mini diamants et inviter un diamant qui semble en suspension sur le doigt, on se dit que ce glissement vers la joaillerie est une évidence. J’ai adoré aussi la perle d’eau douce qui semble couler naturellement de l’oreille. La même vague en or qui rythme le collier de perles. C’est la nature sublimée, la nôtre et celle des matières premières.