Mode x Surréalisme : Viviane Sassen
- emmanuellehutin
- 30 mai
- 3 min de lecture

Viviane Sassen est une de mes photographes de mode préféré.e.s. Elle fait partie des quelques signatures qu’on reconnait instantanément. Les couleurs vives et omniprésentes, les ombres marquées, les corps désarticulés.
Avec elle, la mode est une célébration, une folie douce, un univers à la marge mais si lumineux qu’il irradie jusqu’aux territoires les plus connus et banals.
Dans son travail artistique, les codes esthétiques sont les mêmes. J’aime cette idée que sa liberté de créer ne soit pas mise à mal par le travail de commande que représentent les éditoriaux de mode, que son intégrité soit intacte.
Viviane Sassen est une artiste photographe surréaliste et c’est, bien sûr, pour cette raison que j’ai envie de vous en parler ici, puisqu’elle réunit deux de mes passions : la mode et le surréalisme.
D’où vient son surréalisme ?
Viviane Sassen a passé ses premières années dans un petit village au Kenya où son père était médecin à l’hôpital. Quand elle y retourne à la trentaine, se télescopent ses souvenirs d’enfance avec la réalité du moment. Elle va fusionner les deux dans ses photographies, créer une surréalité qui lui est propre et donner à voir une image de l’Afrique, du Kenya, imaginaire et réelle, loin des poncifs documentaires.
Dans ses souvenirs d’enfance, il y a la lumière zénithale, graphique et nette, de ce pays situé sur l’équateur, il y a les corps difformes des enfants atteints de polio avec qui elle jouait, il y a les émotions et l’étrangeté d’un monde perçue par une petite fille.
Comme les surréalistes, elle accorde une grande place au rêve, à l’inconscient, et avoue même que ses nuits à rêver sont aussi importantes que ses journées à créer. C’est dans l’inconscient que les souvenirs de la petite enfance reposent, à la fois inaccessibles et si déterminants de ce qu’on est.
Elle dit adorer passer des journées dans son atelier, à créer, avec pour seule compagnie la musique. J’y vois un parallèle avec l’écriture automatique des surréalistes qui cherchaient à libérer la pensée de toute raison, à libérer l’imaginaire en le laissant naviguer entre conscience et inconscience. Ce que toute personne qui crée cherche au final : laisser de côté le mental pour s’ouvrir à autre chose.
Une liberté qu’on retrouve sans sa série de photomontages : Cadavres Exquis, 2020
Son travail sur les ombres reflète également sa fascination pour l’inconscient, son angoisse de la mort après le suicide de son père. L’ombre est pour elle un personnage à part entière de ses images. Avec sa propre beauté et sa propre lumière.
De ses années mannequins, elle raconte la difficulté à devoir coller à l’image hypersexualisée que les photographes masculins cherchaient. De là est venu son besoin de mettre en scène son propre corps dans des narrations totalement opposées. On y reconnait des réminiscences de la difformité de ses amis d’enfance dont alors elle ne voyait pas «l’anormalité ». Si de nombreuses artistes femmes surréalistes ont joué le jeu de la muse et du modèle, comme Jacqueline Lamba ou Meret Oppenheim, elles ont vite délaissé ce rôle pour embrasser leur propre création et devenir de véritables figures révolutionnaires.
Les œuvres de Viviane Sassen ont la même force révolutionnaire, iconoclaste, en résonance totale avec notre psyché.
« Le rêve seul laisse à l’homme ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n’a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indifférent. (…) Le surréalisme ouvre les portes du rêve à tous ceux pour qui la nuit est avare. »
Numéro 1 de la revue La Révolution Surréaliste






















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