Repenser le rôle de la mode, dépasser la culpabilité
- emmanuellehutin
- 20 mars 2023
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 déc. 2023
En quoi le règne du vivant nous offre un nouveau regard sur la mode ?
La mode me fait culpabiliser.
Le fait n’est pas nouveau. Pendant longtemps, je n’assumais pas sa superficialité, dire lors d’un dîner que je travaillais dans la mode me donnait l’impression de me transformer instantanément en l’héroïne de Clueless, mes neurones en guise d’accessoires superflus. Étudier et penser l’histoire de la mode m’a permis de dépasser ces préjugés.
Mais la culpabilité n’a pas cessé, voire elle a empiré.
Comment continuer à aimer une des industries les plus polluantes au monde ? Bien sûr toutes les marques n’ont pas la même empreinte. Mais l’urgence à consommer moins se réconcilie difficilement avec le renouvellement permanent de la mode. À cette angoisse écologique s’associe la prise de conscience féministe. Pour qui je m’habille ? L’envie d’être « féminine » est-elle encore compatible avec un engagement féministe ou est-ce un goût conditionné par le patriarcat dont il faudrait se défaire ?

J’ai traversé cette crise de conscience. Traversé, car j’en suis sortie et cela grâce à un zoologiste allemand ! Et il n’est pas même pas contemporain. Pourtant c’est grâce aux travaux d’Adolf Portmann* que j’ai appris que les animaux avaient besoin d’apparaître. Leur apparence ne répond pas nécessairement à des questions utilitaires comme la survie ou la reproduction. Non, ils ont besoin d’apparaître pour ce qu’ils sont, de manifester leur singularité. Approche révolutionnaire que le philosophe Jacques Dewitt** étudie dans son ouvrage La Manifestation de Soi. Il affirme « la tendance inhérente du vivant à s’autoprésenter ».
Cette nécessité de l’apparence concerne tous les êtres vivants, êtres humains compris. Nous avons besoin d’apparaître pour ce que nous sommes, de manifester notre singularité. Et la mode en est le medium. Ces lectures ont été un véritable choc, une révélation dont j’ai pu constater la portée universelle à plusieurs reprises. Penser notre apparence et notre style fait partie de notre essence d’être vivant.
Adieu la culpabilité, bonjour la joie de se connecter à notre nature profonde. C’est une invitation à embrasser cette joie, à prendre le temps de réfléchir à notre style et bien sûr à consommer différemment.
*Adolf Portmann, La Forme Animale, Ed. Payot, 1961, nouvelle édition de 2022 aux Ed. La Bibliothèque
**Jacques Dewitte, La Manifestation de Soi, éléments d’une critique philosophique de l’utilitarisme, Ed. La Découverte, 2010



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