J.W Anderson (mode x surréalisme)
- emmanuellehutin
- 20 juin 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 août 2024
Dans la série des chroniques sur le surréalisme pour en célébrer les 100 ans cette année, voici le premier épisode sur la mode surréaliste : Jonathan W. Anderson, un de mes créateurs préférés. L’Irlandais est aux manettes de la marque éponyme et de la création de LOEWE.
Aucune de ces deux marques ne revendique officiellement l’inspiration surréaliste, pourtant l’esprit d’André Breton et de ses acolytes habitent sans aucun doute les créations de J.W Anderson. A propos de ses looks, Vogue dit « just enough of a fillip of oddness to make them desirable”. On est bien d’accord sur l’étrangeté de ses créations qui fait sourire et dérange un peu en même temps. Alors en quoi est-elle surréaliste ?

Je pourrais commencer par vous parler du sac pigeon que J.W Anderson a mis dans les mains des hommes pour la collection A/H 2022. Le glamour d’un sac du soir incarné par l’animal le moins glamour au monde. Détournement d’un élément du quotidien, télescopage de deux univers qui n’ont aucun lien, transformation de la réalité en rêve : l’approche coche beaucoup de cases des pratiques surréalistes.
Le sac pigeon nous renvoie au téléphone en forme de homard de Dali, aux photomontages étranges de Claude Cahun (1) ou de Dora Maar (2) à Breton arpentant Paris dans L’Amour Fou sur les pistes d’une déambulation qu’il a rêvée.
Chacune de ses collections déploie une créativité sans limite qui offre de poser un nouveau regard sur la réalité qui nous entoure, qui revisite tout ce qu’on connait dans des propositions inédites, qui joue sur les illusions, sur le merveilleux, l’improbable. Un défilé est une promenade dans l’imaginaire de J.W Anderson, je dirais même dans son inconscient. Il semble avoir atteint l’objectif ultime des surréalistes : libérer la pensée en laissant la place au rêve, espace de liberté absolue.
Les collections de J.W Anderson amusent l’enfant en moi : ses mailles XXXXL comme si on avait été miniaturisé, ses robes sac à poisson rouge, ses matières de vêtements qui ressemblent à de la pâte à modeler. Il nous rappelle que tout est jeu, tout est illusion et comme dirait l’artiste surréaliste Claude Cahun, le tout est de croire aux illusions qu’on crée, comme les enfants et les fous. J’adhère totalement, j’y vois une source de joie, d’un émerveillement renouvelé au quotidien.
Mais si ses créations me touchent autant, c’est aussi parce que J.W Anderson est en prise avec son époque et qu’il nous offre, par son surréalisme, la possibilité d’y faire face. Il convoque le rêve comme façon de s’échapper d’une réalité trop angoisse. Il convoque l’absurde parce que l’humour offre une prise sur le monde, un plaisir et une libération. Il invité à la légèreté, à la fantaisie et à la liberté. Comme dans les films de Miyazaki, la gravité du monde est là, mais la magie pour s’y confronter aussi.

Une pièce qui incarne cet esprit ? Ses bombers oversize percés de plumes qui autorisent à laisser la sensibilité percer l’armure. (et eux je pourrais les porter, contrairement à beaucoup de ses pièces, j’avoue…)
On retrouve la même poésie surréaliste chez LOEWE, avec tout le raffinement et la sophistication des matières propres à la marque. En vrac : les talons aux œufs cassés ou pinceaux à poudre, les robes voitures et bouches, les chaussures ballons sur le point d’éclater ou déjà dégonflés, les silhouettes pixellisées, les vêtements comme des jouets en plastique, les ensembles façon rideaux…la liste est infinie. Magritte, Alice au Pays des Merveilles ou Sheila Legge photographiée par Claude Cahun ne sont pas loin…
Ou la mode sublimée* et merveilleuse*, au sens propre ;) !
*Le sublime qui transcende la réalité et nous élève.
*Le merveilleux, « la contradiction qui apparait dans le réel », là où commence la liberté. (La Révolution Surréaliste, A.Breton 1924)























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