Corps et Tendances A/H 25
- emmanuellehutin
- 30 août
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 août
Le corps est au cœur de mes réflexions. J’aime le réfléchir dans le miroir de la mode, des pensées féministes et de la philosophie du yoga. Je m’intéresse à sa liberté et à son intelligence, à son image et à sa mise en scène. Il est à la fois le point de départ et la destination. C’est une donnée avec laquelle se débrouiller et un allié possible pour vivre souverainement.
Après avoir analysé les tendances de cette saison dans une perspective sociologique et culturelle (à lire ici), il m’importe de comprendre ce que la mode du moment dit du corps des femmes.

Ce qui me frappe est le retour d’une silhouette structurée et pas n’importe laquelle, celle du sablier. Archétype absolu de la féminité incarné par le New Look de Christian Dior depuis 1947, la silhouette à la taille marquée semble peu challengée par le body positivisme auquel nous avons tous voulu croire (il y a également un retour des mannequins ultra maigres). Vogue US dit qu’avec l’Ozempic – médicament pour le diabète utilisé comme méthode miracle pour perdre du poids – et Skims – la marque de lingerie sculptante de Kim Kardashian -
la transformation du corps devient un loisir accessible à tous. Contrairement à ce que j’ai écrit plus haut, le corps ne serait plus une donnée de base mais une matière modelable et contrôlable. Contrôle réel ou rêve de transhumanisme, peu importe. Ce que les designers savent depuis toujours est que la mode est question d’architecture, de volumes qui s’inventent et se juxtaposent. Crinoline, corset, faux-cul l’ont démontré depuis des siècles. Ah oui, c’est vrai qu’on parlait de cette mode comme d’une entrave à la liberté du corps des femmes. L’a-t-on oublié ? Doit-on y voir un retour de l’objetisation sexuelle (cette taille fine à attraper) et maternelle (ces hanches larges prêtes à enfanter) ?
Cette saison, la taille est donc marquée et les hanches exagérées. Ottolinger va jusqu’à rendre visible des postiches asymétriques de hanche. Prenez une dernière inspiration et préparez-vous à rouler du bassin. Ou rouler des mécaniques, j’aurais pu écrire car ces silhouettes sablier évoque une fierté et puissance ostentatoire. Marine Serre dit de la mode qu’elle n’est que question d’archétypes et s’empare de celui-ci pour lui insuffler son esprit rebelle. Il n’y a donc jamais de réel retour en arrière, tout est question d’intention et de stylisme. La queen Vivienne Westwood nous l’avait déjà démontré en détournant le faux-cul victorien en icône punk et couture.
(Dans l'ordre: Givenchy, David Koma, Bally, Valentino, Bally, Dries Van Noten)
Paradoxe propre aux collections automne-hiver, la tendance sablier cohabite avec la taille basse, encore plus basse que dans les saisons précédentes. C’est androgyne, c’est année 2000 mais moins réservé qu’avant au ventre plat. Comme chez Dolce&Gabbana et Diesel où caleçon dépassant du jean et ceinture feignent l’ultra taille basse sans rien dévoiler.
(Dans l'ordre: D&G, Diesel, Stella McCartney, Victoria Beckham, Carven, Alaia)
Bien serrée à la taille ou épousant les hanches, la ceinture est la grande gagnante de cette saison dont elle est l’accessoire must-have.
Mais une troisième voie est possible, celle de la beauté antique qui sublime le corps par des drapés (ALAIA). Pensez Madeleine Vionnet et son art du drapé mis au service du confort et du bien-être des femmes. On retrouve aujourd’hui non seulement son esthétisme mais l’envie de réinventer la structure du vêtement. À l’instar de Christo et Jeanne-Claude qui emballaient les monuments, le résultat est aussi innovant que le geste est technique. Comme un double hommage, au corps des femmes et à la maîtrise des couturiers.rières.
(Dans l'ordre: Victoria Beckham, Alain Paul, Calvin Klein, Prabal Gurung, Roksanda, Roberto Cavalli)
Contraignante ou libératrice, la mode n’a pas fini de nous faire réfléchir sur la façon dont notre corps est au monde. Penser son apparence est une préoccupation universelle. Pourtant ne devrions-nous pas délaisser un instant l’image pour fermer les yeux et se concentrer sur le ressenti. Quelles sont les sensations du vêtement sur la peau, du corps en mouvement dans ce vêtement, du mélange des matières ? Et prendre conscience que la liberté réside aussi dans ce ressenti, dans cette joie d’entrer en dialogue avec nos vêtements.

























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