Aurez-vous les épaules assez larges?

Une des tendances le plus réjouissantes de cet hiver : les maxi-shoulders.

Anthony Vaccarello pour Saint-Laurent l’avait déjà initiée au printemps dernier. Pour cet hiver, il en a fait le manifeste de sa collection. Blouson en cuir oversize, veste de costume aux épaules qui n’en finissent pas de se prolonger, blouse en soie aux épaulettes saillantes. Le tout porté sur des jupes très étroites. La silhouette défile en V majeur. Le V de la Victoire ?

Peut-être. Difficile de ne pas penser à la garde-robe des Super Women des années 80 quand Montana, Mugler ou déjà Saint Laurent habillaient les femmes qui partaient à la conquête du monde professionnel sans abandonner ni féminité ni maternité. Il leur en fallait des épaules larges et autoritaires pour manifester leur puissance, nouvellement acquise après les mouvements féministes des années 70.

Mais aujourd’hui ? Cette tendance traduit-elle le même besoin d’une mode qui soit armure ? Oui et non. Mise en péril du droit à l’avortement partout dans le monde, lutte des femmes iraniennes, le backlash féministe est avéré. Convoquer l’archétype de la guerrière devient une nécessité. On en appelle à la force et à la sagesse d’Athéna la lance bien plantée dans le sol pour ne pas reculer, et le bouclier en frontal pour déjouer les attaques. Puisqu’il nous faut avancer en rang serré, épaules contre épaules, élargissons les pour prendre le plus de place possible et sentir nos forces se décupler. Je nous vois déjà défiler toutes en veste Saint-Laurent, non pas les unes derrière les autres comme sur un runway, mais de face, mains dans les mains, et je me dis que ce serait sublime.

Mais j’aime voir aussi dans cette tendance autre chose. Porter un vêtement over-size c’est inviter l’espace, l’air, entre le tissu et la peau. C’est une expérience sensorielle et une expérience de liberté. Dans les mouvements du corps bien sûr mais aussi dans la construction de sa silhouette où on décide de ce qui est montré et de ce qui est dissimulé. Laisser les manches recouvrir les mains ou au contraire les relever largement. Aborder un décolleté profond sous une veste ou le col montant d’un col roulé oversize. La silhouette se construit en volume et repense totalement les codes classiques de la féminité qui voudrait que le X soit la silhouette idéale.

C’est ce qui me passionne dans cette tendance : sous l’effet du vêtement, le corps devient hybride, transformable, constructible. C’est une nouvelle esthétique, comme le montre la collection hiver de Balenciaga avec sa silhouette en M qui redonne à la Mode ses lettres de noblesse pour nous accompagner et nous projeter dans une liberté toujours plus grande de se réinventer.

Alors, envie de faire face sans courber l’échine ? Première étape, le vintage pour des vestes d’hommes en tweed chevron ou rayures tennis.

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